Dada Manifesto; Tzara 1918 (FR+ENG)

The magic of a word — Dada — which has brought journalists to the gates of a world unforeseen, is of no importance to us.

Tiziano Boccacini
25 min readDec 30, 2022

0. FR

[note marginale verticale à gauche]

Note. — Ce manifeste a été lu par Tristan Tzara le 23 Juillet 4 à la Meise Zurich. — Le Dadaïsme. Pour introduire l’idée de folle passagère en mal de scandale et de publicité d’un « isme » nouveau — si banal, avec le manque de sérieux inné à ces sortes de manifestations les journalistes nommèrent Dadaïsme ce que l’intensité d’un art nouveau leur rendit impossible compréhension et puissance de s’élever à l’abstraction, la magie d’une parole (DADA), les ayant mis (par sa simplicité de ne rien signifier), veaux devant la porte d’un monde présent: vraiment trop forte éruption pour leur habitude de se tirer facilement d’affaire. ”

0. ENG

{ Missing part }

1. FR

Pour lancer un manifeste il faut vouloir : A.B.C. foudroyer contre 1, 2, 3. s’énerver et aiguiser les ailes pour conquérir et répandre de petits et de grands a, b, c. signer, crier, jurer, arranger la prose sous une forme d’évidence absolue, irréfutable, prouver son non-plus-ultra et soutenir que la nouveauté ressemble à la vie comme la dernière apparition d’une cocotte prouve l’essentiel de Dieu. Son existence fut déjà prouvée par l’accordéon, le paysage et la parole douce.

1. ENG

To put out a manifesto you must want: ABC
to fulminate against 1, 2, 3
to fly into a rage and sharpen your wings to conquer and disseminate little abcs and big abcs, to sign, shout, swear, to organize prose into a form of absolute and irrefutable evidence, to prove your non plus ultra and maintain that novelty resembles life just as the latest-appearance of some whore proves the essence of God. His existence was previously proved by the accordion, the landscape, the wheedling word.

2. FR

Imposer son A.B.C. est une chose naturelle, — donc regrettable. Tout le monde le fait sous une forme de cristalbluffmadone, système monétaire, produit pharmaceutique, jambe nue conviant au printemps ardent et stérile. L’amour de la nouveauté est la croix sympathique, fait preuve d’un jem’enfoutisme naïf, signe sans cause, passager, positif. Mais ce besoin est aussi vieilli. En donnant à l’art l’impulsion de la suprême simplicité : nouveauté, on est humain et vrai envers l’amusement, impulsif, vibrant pour crucifier l’ennui. Au carrefour des lumières, alerte, attentif, en guettant les années, dans la forêt.

2. ENG

To impose your ABC is a natural thing — hence deplorable. Everybody does it in the form of crystalbluffmadonna, monetary system, pharmaceutical product, or a bare leg advertising the ardent sterile spring. The love of novelty is the cross of sympathy, demonstrates a naive je m’enfoutisme, it is a transitory, positive sign without a cause. But this need itself is obsolete. In documenting art on the basis of the supreme simplicity: novelty, we are human and true for the sake of amusement, impulsive, vibrant to crucify boredom. At the crossroads of the lights, alert, attentively awaiting the years, in the forest.

3. FR

J’écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes (décilitres pour la valeur morale de toute phrase — trop de commodité ; l’approximation fut inventée par les impressionnistes.)

3. ENG

I write a manifesto and I want nothing, yet 1 say certain things, and in principle I am against manifestoes, as I am also against principles (half-pints to measure the moral value of every phrase too too convenient ; approximation was invented by the impressionists.)

4. FR

J’écris ce manifeste pour montrer qu’on peut faire les actions opposées ensemble, dans une seule fraîche respiration; je suis contre l’action; pour la continuelle contradiction, pour l’affirmation aussi, je ne suis ni pour ni contre et je n’explique pas car je hais le bon sens.

DADA — voilà un mot qui mène des idées à la chasse ; chaque bourgeois est un petit dramaturge, invente des propos différents, au lieu de placer les personnages convenables au niveau de son intelligence, chrysalides sur les chaises, cherche les causes ou les buts (suivant la méthode psychanalytique qu’il pratique) pour cimenter son intrigue, histoire qui parle et se définit.

4. ENG

I write this manifesto to show that people can perform contrary actions together while taking one fresh gulp of air; I am against action; for continuous contradiction, for affirmation too, I am neither for nor against and I do not explain because I hate common sense.

{ Missing part }

5. FR

Chaque spectateur est un intrigant, s’il cherche à expliquer un mot (connaître!). Du refuge ouaté des complications serpentines, il faut manipuler ses instincts. De là les malheurs de la vie conjugale. Expliquer : Amusement des ventrerouges aux moulins des crânes vides.

Dada ne signifie rien.
Si l’on trouve futile et si l’on ne perd son temps pour un mot qui ne signifie rien… La première pensée qui tourne dans ces têtes est de l’ordre bactériologique : trouver son origine étymologique, historique ou psychologique, au moins. On apprend dans les journaux que les nègres Krou appellent la queue d’une vache sainte : DADA. Le cube et la mère en une certaine contrée d’Italie : DADA. Un cheval de bois, la nourrice, double affirmation en russe et en roumain : DADA. De savants journalistes y voient un art pour les bébés, d’autres saints jésusapellantlespetitsenfants du jour, le retour à un primitivisme sec et bruyant, bruyant et monotone.

5. ENG

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Dada Means Nothing

If you find it futile and don’t want to waste your time on a word that means nothing … The first thought that comes to these people is bacteriological in character: to find its etymological, or at least its historical or psychological origin. We see by the papers that the Kru Negroes call the tail of a holy cow Dada. The cube and the mother in a certain district of Italy are called: Dada. A hobby horse, a nurse both in Russian and Rumanian: Dada. Some learned journalists regard it as an art for babies, other holy jesusescallingthelittlechildren of our day, as a relapse into a dry and noisy, noisy and monotonous primitivism.

6. FR

On ne construit pas sur un mot la sensibilité; toute construction converge à la perfection qui ennuie, idée stagnante d’un marécage doré, relatif produit humain. L’œuvre d’art ne doit pas être la beauté en elle-même, car elle est morte; ni gaie ni triste, ni claire, ni obscure, réjouir ou maltraiter les individualités en leur servant les gâteaux des auréoles saintes ou les sueurs d’une course cambrée à travers les atmosphères. Une œuvre d’art n’est jamais belle, par décret, objectivement, pour tous. La critique est donc inutile, elle n’existe que subjectivement, pour chacun, et sans le moindre caractère de généralité. Croit-on avoir trouvé la base psychique commune à toute l’humanité ? L’essai de Jésus et la bible couvrent sous leurs ailes larges et bienveillantes : la merde, les bêtes, les journées.

6. ENG

Sensibility is not constructed on the basis of a word; all constructions converge on perfection which is boring, the stagnant idea of a gilded swamp, a relative human product. A work of art should not be beauty in itself, for beauty is dead; it should be neither gay nor sad, neither light nor dark to rejoice or torture the individual by serving him the cakes of sacred aureoles or the sweets of a vaulted race through the atmospheres. A work of art is never beautiful by decree, objectively and for all. Hence criticism is useless, it exists only subjectively, for each man separately, without the slightest character of universality. Does anyone think he has found a psychic base common to all mankind? The attempt of Jesus and the Bible covers with their broad benevolent wings: shit, animals, days.

7. FR

Comment veut-on ordonner le chaos qui constitue cette infinie informe variation : l’homme ? Le principe : « aime ton prochain » est une hypocrisie. « Connais-toi » est une utopie mais plus acceptable car elle contient la méchanceté en elle. Pas de pitié. Il nous reste après le carnage l’espoir d’une humanité purifiée. Je parle toujours de moi puisque je ne veux convaincre, je n’ai pas le droit d’entraîner d’autres dans mon fleuve, je n’oblige personne à me suivre et tout le monde fait son art à sa façon, s’il connaît le joie montant en flèches vers les couches astrales, ou celle qui descend dans les mines aux fleurs de cadavres et des spasmes fertiles. Stalactites : les chercher partout, dans les crèches agrandies par la douleur, les yeux blancs comme les lièvres des anges.

7. ENG

How can one expect to put order into the chaos that constitutes that infinite and shapeless variation: man? The principle: “love thy neighbor” is a hypocrisy. “Know thyself” is utopian but more acceptable, for it embraces wickedness. No pity. After the carnage we still retain the hope of a purified mankind. I speak only of myself since I do not wish to convince, I have no right to drag others into my river, I oblige no one to follow me and everybody practices his art in his own way, if be knows the joy that rises like arrows to the astral layers, or that other joy that goes down into the mines of corpse-flowers and fertile spasms. Stalactites: seek them everywhere, in managers magnified by pain, eyes white as the hares of the angels.

8. FR

Ainsi naquit DADA d’un besoin d’indépendance, de méfiance envers la communauté. Ceux qui appartiennent à nous gardent leur liberté. Nous ne reconnaissons aucune théorie. Nous avons assez des académies cubistes et futuristes : laboratoires d’idées formelles. Fait-on l’art pour gagner de l’argent et caresser les gentils bourgeois ? Les rimes sonnent l’assonance des monnaies et l’inflexion glisse le long de la ligne du ventre de profil. Tous les groupements d’artistes ont abouti à cette banque en chevauchant sur diverses comètes. La porte ouverte aux possibilités de se vautrer dans les coussins et la nourriture.

Ici nous jettons l’ancre dans la terre grasse.
Ici nous avons le droit de proclamer car nous avons connu les frissons et l’éveil. Revenants ivres d’énergie nous enfonçons le trident dans la chair insoucieuse. Nous sommes ruissellements de malédictions en abondance tropique de végétations vertigineuses, gomme et pluie est notre sueur, nous saignons et brûlons la soif, notre sang est vigueur.

8. ENG

And so Dada was born of a need for independence, of a distrust toward unity. Those who are with us preserve their freedom. We recognize no theory. We have enough cubist and futurist academies: laboratories of formal ideas. Is the aim of art to make money and cajole the nice nice bourgeois? Rhymes ring with the assonance of the currencies and the inflexion slips along the line of the belly in profile. All groups o f artists have arrived at this trust company utter riding their steeds on various comets. While the door remains open to the possibility of wallowing in cushions and good things to eat.

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9. FR

Le cubisme naquit de la simple façon de regarder l’objet : Cézanne peignait une tasse 20 centimètres plus bas que ses yeux, les cubistes la regardent d’en haut, d’autres compliquent l’apparence en faisant une section perpendiculaire et en l’arrangeant sagement à côté. (Je n’oublie pas les créateurs, ni les grandes raisons de la matière qu’ils rendirent définitives.) Le futuriste voit la même tasse en mouvement, une succession d’objet l’un à côté de l’autre agrémentée malicieusement de quelques lignes-forces. Cela n’empêche que la toile soit une bonne ou mauvaise peinture destinée au placement des capitaux intellectuels. Le peintre nouveau crée un monde, dont les éléments sont aussi les moyens, une œuvre sobre et définie, sans argument. L’artiste nouveau proteste : il ne peint plus (reproduction symbolique et illusionniste) mais crée directement en pierre, bois, fer, étain, des rocs, des organismes locomotives pouvant être tournés de tous les côtés par le vent limpide de la sensation momentanée.

Toute œuvre picturale ou plastique est inutile; qu’il soit un monstre qui fait peur aux esprits serviles, et non douceâtre pour orner les réfectoires des animaux en costumes humains, illustrations de cette triste fable de l’humanité.

9. ENG

Cubism was born out of the simple w ay of looking at an object: Cezanne painted a cup 20 centimeters below his eyes, the cubists look at it from above, others complicate appearance by making a perpendicular section and arranging it conscientiously on the side. (I do not forget the creative artists and the profound laws of matter which they established once and for all.) The futurist sees the same cup in movement, a succession of objects one beside the others and maliciously adds a few force lines. This does not prevent the canvas from being a good or bad painting suitable for the investment of intellectual capital. The new painter creates a world, the elements of which are also its implements, a sober, definite work without argument. The new artis t protests: he no longer paints (symbolic and illusionist reproduction) but creates directly in stone, wood, iron, tin, boulders — locomotive organisms capable of being turned in all directions by the limpid wind of momentary sensation.

All pictorial or plastic work is useless: let it then be a monstrosity that frightens servile minds, and not sweetening to decorate the refectories of animals in human costume, illustrating the sad fable of mankind.

10. FR

Un tableau est l’art de faire se rencontrer deux lignes géométriquement constatées parallèles, sur une toile, devant nos yeux, dans la réalité d’un monde transposé suivant de nouvelles conditions et possibilités. Ce monde n’est pas spécifié ni défini dans l’œuvre, il appartient dans ses innombrables variations au spectateur. Pour son créateur, il est sans cause et sans théorie.

Ordre = désordre; moi = non- moi; affirmation = négation : rayonnements suprêmes d’un art absolu. Absolu en pureté de chaos cosmique et ordonné, éternel dans la globule seconde sans durée, sans respiration, sans lumière, sans contrôle.

J’aime une œuvre ancienne pour sa nouveauté. Il n’y a que le contraste qui nous relie au passé.

Les écrivains qui enseignent la morale et discutent ou améliorent la base psychologique ont, à part un désir caché de gagner, une connaissance ridicule de la vie, qu’ils ont classifiée, partagée, canalisée; ils s’entêtent à voir danser les catégories lorsqu’ils battent la mesure. Leurs lecteurs ricanent et continuent : à quoi bon ?

Il y a une littérature qui n’arrive pas jusqu’à la masse vorace. Œuvre de créateurs, sortie d’une vraie nécessité de l’auteur, et pour lui. Connaissance d’un suprême égoïsme, où les bois s’étiolent.

Chaque page doit exploser, soit par le sérieux profond et lourd, le tourbillon, le vertige, le nouveau, l’éternel, par la blague écrasante, par l’enthousiasme des principes ou par la façon d’être imprimée. Voilà un monde chancelant qui fuit, fiancé aux grelots de la gamme infernale, voilà de l’autre côté : des hommes nouveaux. Rudes, bondissants, chevaucheurs de hoquets. Voilà un monde mutilé et les médicastres littéraires en mal d’amélioration.

Je vous dis : il n’y a pas de commencement et nous ne tremblons pas, nous ne sommes pas sentimentaux. Nous déchirons, vent furieux, le linge des nuages et des prières, et préparons le grand spectacle du désastre, l’incendie, la décomposition. Préparons la suppression du deuil et remplaçons les larmes par les sirènes tendues d’un continent à l’autre. Pavillons de joie intense et veufs de la tristesse du poison.

DADA est l’enseigne de l’abstraction; la réclame et les affaires sont aussi des éléments poétiques.

Je détruis les tiroirs du cerveau et ceux de l’organisation sociale : démoraliser partout et jeter la main du ciel en enfer, les yeux de l’enfer au ciel, rétablir la roue féconde d’un cirque individu.

10. ENG

{ Missing part }

11. FR

La philosophie est la question : de quel côté commencer à regarder la vie, dieu, l’idée, ou n’importe quoi d’autre. Tout ce qu’on regarde est faux. Je ne crois pas plus important le résultat relatif, que le choix entre gâteau et cerises après dîner. La façon de regarder vite l’autre côté d’une chose, pour imposer indirectement son opinion, s’appelle dialectique, c’est-à-dire marchander l’esprit des pommes frites, en dansant la méthode autour.

Si je crie :

Idéal, idéal, idéal
Connaissance, connaissance, connaissance, Boumboum, boumboum, boumboum,

j’ai enregistré assez exactement le progrès, la loi, la morale et toutes les autres belles qualités que différents gens très intelligents ont discutés dans tout des livres, pour arriver, à la fin, à dire que tout de même chacun a dansé d’après son boumboum personnel, et qu’il a raison pour son boumboum, satisfaction de la curiosité maladive; sonnerie privée pour besoins inexplicables; bain; difficultés pécuniaires; estomac avec répercussion sur la vie; autorité de la baguette mystique formulée en bouquet d’orchestre-fantôme aux archets muets, graissés de philtres à base d’ammoniaque animal. Avec le lorgnon bleu d’un ange ils ont fossoyé l’intérieur pour vingt sous d’unanime reconnaissance.

11. ENG

Philosophy is the question: from which side shall we look at life, God, the idea or other phenomena. Everything one looks at is false. I do not consider the relative result more important than the choice between cake and cherries after dinner. The system of quickly looking at the other side of a thing in order to impose your opinion indirectly is called dialectics, in other words, haggling over the spirit of fried potatoes while dancing method around it. If I cry out:

Ideal, ideal, ideal,
Knowledge, knowledge, knowledge, Boomboom, boomboom, boomboom,

I have given a pretty faithful version of progress, law, morality and all other fine qualities that various highly intelligent men have discussed in so many books, only to conclude that after all everyone dances to his own personal boomboom, and that the writer is entitled to his boomboom: the satisfaction of pathological curiosity a private bell for inexplicable needs; a bath; pecuniary difficulties; a stomach with repercussions in tile; the authority of the mystic wand formulated as the bouquet of a phantom orchestra made up of silent fiddle bows greased with filters made of chicken manure. With the blue eye-glasses of an angel they have excavated the inner life for a dime’s worth of unanimous gratitude.

12. FR

Si tous ont raison et si toutes les pilules ne sont que Pink, essayons une fois de ne pas avoir raison.

On croit pouvoir expliquer rationnellement, par la pensée, ce qu’il écrit. Mais c’est très relative. La psychanalyse est une maladie dangereuse, endort les penchants anti-réels de l’homme et systématise la bourgeoisie. Il n’y a pas de dernière Vérité. La dialectique est une machine amusante qui nous conduit / d’une manière banale / aux opinions que nous aurions eues de toute façon. Croit-on, par le raffinement minutieux de la logique, avoir démontré la vérité et établi l’exactitude de ses opinions ? Logique serrée par les sens est une maladie organique. Les philosophes aiment ajouter à cet élément : Le pouvoir d’observer. Mais justement cette magnifique qualité de l’esprit est la peuve de son impuissance. On observe, on regarde d’un ou de plusieurs points de vue, on les choisit parmi les millions qui existent. L’expérience est aussi un résultat du hasard et des facultés individuelles.

La science me répugne dès qu’elle devient spéculative-système, perd son caractère d’utilité — tellement inutile — mais au moins individuel. Je hais l’objectivité grasse et l’harmonie, cette science qui trouve tout en ordre. Continuez, mes enfants, humanité, gentils bourgeois et journalistes vierges. . .

12. ENG

If all of them are right and if all pills are Pink Pills, let us try for once not to be right.

Some people think they can explain rationally, by thought, what they think. But that is extremely relative. Psychoanalysis is a dangerous disease, it puts to sleep the anti-objective impulses of man and systematizes the bourgeoisie. There is no ultimate Truth. The dialectic is an amusing mechanism which guides us / in a banal kind of way / to the opinions we had in the first place. Does anyone think that, by a minute refinement of logic, he had demonstrated the truth and established the correctness of these opinions? Logic imprisoned by the senses is an organic disease. To this element philosophers always like to add: the power of observation. But actually this magnificent quality of the mind is the proof of its impotence. We observe, we regard from one or more points of view, we choose them among the millions that exist. Experience is also a product of chance and individual faculties.

Science disgusts me as soon as it becomes a speculative system, loses its character of utility that is so useless but is at least individual. I detest greasy objectivity, and harmony, the science that finds everything in order. Carry on, my children, humanity. . .

13. FR

Je suis contre les systèmes, le plus acceptable des systèmes est celui de n’en avoir par principe aucun.

Se compléter, se perfectionner dans sa propre petitesse jusqu’à remplir le vase de son moi, courage de combattre pour et contre la pensée, mystère du pain déclochement subit d’une hélice infernale en lys économiques:

13. ENG

I am against systems, the most acceptable system is on principle to have none.

To complete oneself, to perfect oneself in one’s own littleness, to fill the vessel with one’s individuality, to have the courage to fight for and against thought, the mystery of bread, the sudden burst of an infernal propeller into economic lilies:

14. FR

LA SPONTANÉITÉ DADAISTE

Je nomme je m’enfoutisme l’état d’une vie où chacun garde ses propres conditions, en sachant toutefois respecter les autres individualités, sinon se défendre, le two-step devenant hymne national, magasin de bric-à-brac, T.S.F. téléphone sans fil transmettant les fugues de Bach, réclames lumineuses et affichage pour les bordels, l’orgue diffusant des oeillets pour Dieu, tout cela ensemble, et réellement, remplaçant la photographie et le catéchisme unilatéral.

14. ENG

DADAIST SPONTANEITY

What I call the I-don’t-give-a-damn attitude of life is when everyone minds his own business, at the same time as he knows how to respect other individualities, and even how to stand up for himself, the two-step becoming a national anthem, a junk shop, the wireless (the wire-less telephone) transmitting Bach fugues, illuminated advertisements for placards for brothels, the organ broadcasting carnations for God, all this at the same time, and in real terms, replacing photography and unilateral catechism.

15. FR

La simplicité active.

L’impuissance de discerner entre les degrés de clarté : lécher la pénombre et flotter dans la grande bouche emplie de miel et d’excrément. Mesurée à l’échelle Éternité, toute action est vaine — (si nous laissons la pensée courir une aventure dont le résultat serait infiniment grotesque — donnée importante pour la connaissance de l’impuissance humaine). Mais si la vie est une mauvaise farce, sans but ni accouchement initial, et parce que nous croyons devoir nous tirer proprement, en chrysantèmes lavés, de l’affaire, nous avons proclamé seule base d’entendement : l’art. Il n’y a pas l’importance que nous, reîtres de l’esprit, lui prodiguons depuis des siècles.

15. ENG

Active Simplicity.

Inability to distinguish between degrees of clarity: to lick the penumbra and float in the big mouth filled with honey and excrement. Measured by the scale of eternity, all activity is vain – (if we allow thought to engage in an adventure the result of which would be infinitely grotesque and add significantly to our knowledge of human impotence). But supposing life to be a poor farce, without aim or initial parturition, and because we think it our duty to extricate ourselves as fresh and clean as washed chrysanthemums, we have proclaimed as the sole basis for agreement: art. It is not as important as we, mercenaries of the spirit, have been proclaiming for centuries.

16. FR

L’art n’afflige personne et ceux qui savent s’y intéresser, recevront de caresses et belle occasion de peupler le pays de leur conversation. L’art est une chose privée, l’artiste le fait pour lui; une oeuvre compréhensible est produit de journaliste, et parce qu’il me plaît en ce moment de mélanger ce monstre aux couleurs à l’huile : tube en papier imitant le métal qu’on presse et verse automatiquement, haine lâcheté, vilenie. L’artiste, le poète se réjouit du venin de la masse condensée en un chef de rayon de cette industrie, il est heureux en étant injurié : preuve de son immuabilité. L’auteur, l’artiste loué par les journaux, constante la compréhension de son oeuvre : misérable doublure d’un manteau à utilité publique; haillons qui couvrent la brutalité, pissat collaborant à la chaleur d’un animal qui couve les bas instincts. Flasque et insipide chair se multipliant à l’aide des microbes typographiques.

16. ENG

Art afflicts no one and those who manage to take an interest in it will harvest caresses and a fine opportunity to populate the country with their conversation. Art is a private affair, the artist produces it for himself, an intelligible work is the product of a journalist, and because at this moment it strikes my fancy to combine this monstrosity with oil paints: a paper tube simulating the metal that is automatically pressed and poured hatred cowardice villainy. The artist, the poet rejoice at the venom of the masses condensed into a section chief of this industry, he is happy to be insulted: it is a proof of his immutability. When a writer or artist is praised by the newspapers, it is a proof of the intelligibility of his work: wretched lining of a coat for public use; tatters covering brutality, piss contributing to the warmth of an animal brooding vile instincts. Flabby, insipid flesh reproducing with the help of typographical microbes.

17. FR

Nous avons bousculé le penchant pleurnichard en nous. Toute filtration de cette nature est diarrhée confite. Encourager cet art veut dire la digérer. Il nous faut des oeuvres fortes, droites, précises et à jamais incomprises. La logique est une complication. La logique est toujours fausse. Elle tire les fils des notions, paroles, dans leur extérieur formel, vers des bouts, des centres illusoires. Ses chaînes tuent, myriapode énorme asphyxiant l’indépendance. Marié à la logique, l’art vivrait dans l’inceste, engloutissant, avalant sa propre queue toujours son corps, se forniquant en lui-même et le tempérament deviendrait un cauchemar goudronné de protestantisme, un monument, un tas d’intestins grisâtres et lourds.

17. ENG

We have thrown out the cry-baby in us. Any infiltration of this kind is candied diarrhoea. To encourage this act is to digest it. What we need is works that are strong straight precise and forever beyond understanding. Logic is a complication. Logic is always wrong. It draws the threads of notions, words, in their formal exterior, toward illusory ends and centres. Its chains kill, it is an enormous centipede stifling independence. Married to logic, art would live in incest, swallowing, engulfing its own tail, still part of its own body, fornicating within itself, and passion would become a nightmare tarred with protestantism, a monument, a heap of ponderous grey entrails.

18. FR

Mais la souplesse, l’enthousiasme et même la joue de l’injustice, cette petite vérité que nous pratiquons innocents et qui nous rend beaux : nous sommes fins et nos doigts sont malléables et glissent comme les branches de cette plante insinuante et presque liquide; elle précise notre âme, disent les cyniques. C’est aussi un point de vue; mais toutes les fleurs ne sont pas saintes, heureusement, et ce qu’il y a de divin en nous est l’éveil de l’action anti-humaine. Il s’agit ici d’une fleur de papier pour la boutonnière des messieurs qui fréquentent le bal de la vie masquée, cuisine de la grâce, blanches cousines souples ou grasses. Ils trafiquent avec ce que nous avons sélectionné. Contradiction et unité des polaires dans un seul jet, peuvent être vérité. Si l’on tient en tout cas à prononcer cette banalité, appendice d’une moralité libidineuse, mal odorante. La morale atrophie comme tout fléau produit de l’intelligence. Le contrôle de la morale et de la logique nous ont infligé l’impassibilité devant les agents de police — cause de l’esclavage, — rats putrides dont les bourgeois ont plein le ventre, et qui ont infecté les seuls corridors de verre clairs et propres qui restèrent ouverts aux artistes.

18. ENG

But the suppleness, enthusiasm, even the joy of injustice, this little truth which we practice innocently and which makes its beautiful: we are subtle and our fingers are malleable and slippery as the branches of that sinuous, almost liquid plant; it defines our soul, say the cynics. That too is a point of view; but all flowers are not sacred, fortunately, and the divine thing in us is to call to anti-human action. I am speaking of a paper flower for the buttonholes of the gentlemen who frequent the ball of masked life, the kitchen of grace, white cousins lithe or fat. They traffic with whatever we have selected. The contradiction and unity of poles in a single toss can be the truth. If one absolutely insists on uttering this platitude, the appendix of a libidinous, malodorous morality. Morality creates atrophy like every plague produced by intelligence. The control of morality and logic has inflicted us with impassivity in the presence of policemen who are the cause of slavery, putrid rats infecting the bowels of the bourgeoisie which have infected the only luminous clean corridors of glass that remained open to artists.

19. FR

Que chaque homme crie : il y a un grand travail destructif, négatif, à accomplir. Balayer, nettoyer. La propreté de l’individu s’affirme après l’état de folie, de folie agressive, complète, d’un monde laissé entre les mains des bandits qui déchirent et détruisent les siècles. Sans but ni dessein, sans organisation : la folie indomptable, la décomposition. Les forts par la parole ou par la force survivront, car ils sont vifs dans la défense, l’agilité des membres et des sentiments flambe sur leurs flancs facettés.

19. ENG

Let each man proclaim: there is a great negative work of destruction to be accomplished. We must sweep and clean. Affirm the cleanliness of the individual after the state of madness, aggressive complete madness of a world abandoned to the hands of bandits, who rend one another and destroy the centuries. Without aim or design, without organization: indomitable madness, decomposition. Those who are strong in words or force will survive, for they are quick in defence, the agility of limbs and sentiments flames on their faceted flanks.

20. FR

La morale a déterminé la charité et la pitié, deux boules de suif qui ont poussé comme des éléphants, des planètes et qu’on nomme bonnes. Elles n’ont rien de la bonté. La bonté est lucide, claire et décidée, impitoyable envers la compromission et la politique. La moralité est l’infusion du chocolat dans les veines de tous les hommes. Cette tâche n’est pas ordonnée par une force surnaturelle, mais par le trust des marchands d’idées et des accapareurs universitaires. Sentimentalité : en voyant un groupe d’hommes qui se querellent et s’ennuient ils ont inventé le calendrier et le médicament sagesse. En collant des étiquettes, la bataille des philosophes se déchaîna (mercantilisme, balance, mesures méticuleuses et mesquins) et l’on comprit une fois de plus que la pitié est un sentiment, comme la diarrhée en rapport avec le dégoût qui gâte la santé, l’immonde tâche des charognes de compromettre le soleil.

20. ENG

Morality has determined charity and pity, two balls of fat that have grown like elephants, like planets, and are called good. There is nothing good about them. Goodness is lucid, clear and decided, pitiless toward compromise and politics. Morality is an injection of chocolate into the veins of all men. This task is not ordered by a supernatural force but by the trust of idea brokers and grasping academicians. Sentimentality: at the sight of a group of men quarrelling and bored, they invented the calendar and the medicament wisdom. With a sticking of labels the battle of the philosophers was set off (mercantilism, scales, meticulous and petty measures) and for the second time it was understood that pity is a sentiment like diarrhoea in relation to the disgust that destroys health, a foul attempt by carrion corpses to compromise the sun.

21. FR

Je proclame l’opposition de toutes les facultés cosmiques à cette blennhorragie d’un soleil putride sorti des usines de la pensée philosophique, la lutte acharnée, avec tous les moyens du

DÉGOÛT DADAISTE

Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est DADA ; protestation aux poings de tout son être en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu’à présent par le sexe publique du compromis commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : DADA ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA; abolition de la mémoire : DADA; abolition de l’archéologie : DADA; abolition des prophètes : DADA; abolition du futur : DADA; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA; saut élégant et sans préjudice d’une harmonie à l’autre sphère; trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore cri; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste; peler son église du tout accessoire inutile et lourd; cracher comme une cascade lumineuse la pensé désobligeante ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c’est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d’insectes pour le sang bien né, et doré de corps d’archanges, de son âme. Liberté : DADA DADA DADA, hurlement des douleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : LA VIE.
Tristan Tzara

21. ENG

I proclaim the opposition of all cosmic faculties to this gonorrhoea of a putrid sun issued from the factories of philosophical thought, I proclaim bitter struggle with all the weapons of –

DADAIST DISGUST

Every product of disgust capable of becoming a negation of the family is Dada; a protest with the fists of its whole being engaged in destructive action: Dada; knowledge of all the means rejected up until now by the shamefaced sex of comfortable compromise and good manners: DADA; abolition of logic, which is the dance of those impotent to create: DADA; of every social hierarchy and equation set up for the sake of values by our valets: DADA: every object, all objects, sentiments, obscurities, apparitions and the precise clash of parallel lines are weapons for the fight: DADA; abolition of memory: Dada; abolition of archaeology: DADA; abolition of prophets: DADA; abolition of the future: DADA; absolute and unquestionable faith in every god that is the immediate product of spontaneity: DADA; elegant and unprejudiced leap from a harmony to the other sphere; trajectory of a word tossed like a screeching phonograph record; to respect all individuals in their folly of the moment: whether it be serious, fearful, timid, ardent, vigorous, determined, enthusiastic; to divest one’s church of every useless cumbersome accessory; to spit out disagreeable or amorous ideas like a luminous waterfall, or coddle them — with the extreme satisfaction that it doesn’t matter in the least — with the same intensity in the thicket of core’s soul pure of insects for blood well-born, and gilded with bodies of archangels. Freedom: DADA DADA DADA, a roaring of tense colors, and interlacing of opposites and of all contradictions, grotesques, inconsistencies: LIFE.

T. Tzara

Tristan Tzara

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Tiziano Boccacini
Tiziano Boccacini

Written by Tiziano Boccacini

Before the need to change ask yourself these two simple questions: 1) Why am I here? 2) Is it worth to stay? Vivere all’insegna dell’omeostasi

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